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dimanche 6 mars 2022

Origine du maïs. - Henri Gougaud

" Wunzi est un enfant indien. Il est à l’âge adolescent où les vivants de sa tribu doivent aller à la rencontre de celui qu’on nomme l’Esprit. A chacun le sien en ce monde. Wunzi ne sait rien de celui qui le visitera sans faute, sauf qu’il sera son protecteur sur le dur chemin de la vie. Sous le vent vif de la prairie il bâtit sa hutte de branches. Il devra vivre là sept jours, loin des siens, sans manger ni boire. Il s’installe dans son abri. Il attend. Son coeur est en paix. Passent trois journées solitaires.

Au matin du quatrième jour apparait au seuil de sa hutte un étranger au beau regard. Il s’assied en face de lui. Il est coiffé de feuilles vertes et vêtu d’un plumage d’or. Wunzi se tait mais son coeur tonne. Il ne sait s’il a devant lui un vivant de chair véritable ou si la faim trompe son oeil. Il lui tend une main tremblante. Son geste reste à mi-chemin car l’étranger parle. Il lui dit :
- Enfant, mon nom est Mondawmin. En moi est un savoir utile que tu peux m’arracher du corps. Pour cela tu dois me combattre. Si tu parviens à me tuer tu ne seras pas né pour rien parmi les hommes de la terre.
- Puisqu’il le faut, répond Wunzi.
Il se lève. Il se sent fiévreux. Il a mal de la tête aux pieds. Mondawmin lui aussi se dresse. Wunzi s’agrippe à son manteau, il cogne du front, il s’enrage. Combien de temps s’acharne-t-il ? Quand vient la fin de la journée, il ne voit plus que brume rouge. Mondawmin le prend aux poignets. Il dit :
- Je reviendrai demain.
Wunzi tombe le front dans l’herbe. Quand il relève enfin la tête, la lune est seule à le veiller.

A l’aube l’étranger revient. Wunzi se sent plus démuni, plus misérable que la veille mais plus furieux, plus dur de coeur. Il combat comme un enragé. Vient le soir à l’horizon rouge. Mondawmin le prend aux cheveux. Il lui dit, la bouche à l’oreille :
- Demain est notre dernier jour. Si tu parviens à me tuer, enterre-moi. Ne m’oublie pas. Soigne ma tombe un an durant, je n’aime pas la mauvaise herbe. Le temps venu je renaîtrai.
Il disparait dans le ciel noir.

Dernière nuit, nouveau matin. Wunzi s’avance sur la plaine. Mondawmin vient dans le vent vif. Son plumage est éblouissant. Sa coiffure de feuilles vertes frémit, environnée d’oiseaux. Il fait halte, il ouvre les bras. L’enfant aussi. Ils se contemplent et tout soudain, d’un même élan, s’étreignent comme père et fils depuis trop longtemps séparés. Wunzi à cet embrassement met toute la vie de son âme, toute la force de sa chair. Bientôt le front de Mondawmin se renverse, ses yeux se ferment, et ses jambes perdent le sol. Il meurt ainsi, sans une plainte. Alors Wunzi le couche là, sur l’herbe que le vent fléchit. Il le déshabille et l’enterre. Enfin il peut rentrer chez lui.

Passent le printemps et l’été. L’enfant tous les jours est venu. Il a prié, lavé la terre sur la tombe de Mondawmin. A la première aube d’automne une plante nouvelle nait. Ses longues feuilles sont semblables à celles qui coiffaient le front de l’homme au costume de plumes. Elles habillent un épi luisant. Wunzi s’agenouille et se penche.
- Bienvenue, Mondawmin, dit-il. Merci de revenir au monde.

C’est ainsi, disent les anciens, que le premier plant de maïs fut donné au peuple des hommes . "


 

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