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dimanche 6 mars 2022

Le chant des fées -Sylvie Folmer



» Au crépuscule, il allait s’allonger dans une clairière au coeur de la forêt.

Il aimait à dormir sans toit.

Une étoile luisait au firmament, chaque nuit plus belle, chaque fois plus proche. Tous les soirs, les rêves transparents de l’homme tressaient vers le ciel une fine échelle de lumière. Il y montait toujours, les yeux fermés, le coeur ouvert, le pas infiniment confiant.

Un matin, alors qu’il allait se laver au ruisseau bordant la clairière, il avait vu sur l’eau scintiller un sourire de femme. Entre les feuilles de l’arbre qui surplombait les flots, la fée de l’étoile le regardait. Elle était belle, cette promise tout juste descendue des songes de son amant.

Ils s’étaient caressés en riant. Le temps avait passé. Elle avait en gémissant mis au monde trois enfants. Ils avaient vieilli, s’adorant patiemment.

Un matin, le fée avait su qu’elle devait s’en aller par-delà la tristesse et la joie. Mais, avant, elle voulait remercier cette terre qui lui avait ouvert les bras, ce pays où elle avait été rêvée, espérée, aimée enfin et qui, maintenant et pour longtemps, porterait ses enfants.

Au coeur de la forêt, elle avait fait glisser à ses pieds, dans une valse de poussière, sa robe rouge et ses bracelets d’argent. Elle avait tendu à son époux un sac rempli de graines de toutes les couleurs et s’était allongée, dans un frisson, nue sur la terre noire. Au creux de ce nombril du monde, elle s’était mise à chanter, d’une voix claire et forte, qui bientôt avait envahi toute la clairière. Et tandis qu’elle chantait, son beau corps pâle, poreux, s’était lentement enfoncé dans le sol. Quand il avait été entièrement recouvert, l’homme avait, comme il était dit, semé toutes les graines données.

Et puis à genoux dans la boue, il avait pleuré longtemps, pluie tendre sur la vie avalée de sa bien-aimée.

Au matin, le premier rayon du soleil avait effacé dans le ciel toute trace de tristesse. Sous la coulée d’or de sa chaleur, les graines avaient germé en une senteur chaude et sucrée.

De cette floraison sur le corps hospitalier d’une fée, le premier jardin du monde était né. « 


 

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