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mardi 15 mars 2022

Le sou de rossignol Henri Gougaud


Le sou de rossignol

 
Sing était un jeune homme pauvre. Quand moururent ses vieux parents il s’en fut chercher du travail. Il en trouva chez une femme qui riait comme l’oiseau chante. Il fut un bon garçon de ferme, honnête, généreux, vaillant. Un jour, sa patronne lui dit :
- Je m’en vais demain en voyage. Tu sais que derrière chez nous, dans le jardin, sont trois cabanes. Laisse la troisième tranquille. Je te défends d’y pénétrer.
Sing promit. Il lui obéit. Quand elle revint, après six mois :
- Donne-moi mon congé, patronne, lui dit-il. J’aimerais revoir mon village.
La femme lui remit un beau mouchoir de lin soigneusement plié.
- Dedans, dit-elle, est ton salaire. Je crois que tu seras content.
Dans sa pauvre maison à peine retrouvée il déplia le linge. Il cachait une pièce d’or magnifiquement ouvragée. Il s’en fut la montrer à l’Ancien du village.
- Un sou de rossignol, dit le vieux. C’est très rare. Il est ainsi nommé parce que cet oiseau-là met cent ans à le ciseler. Je te l’achète mille écus.
L’affaire fut bientôt conclue. Le jeune homme se maria et fut heureux, vaille que vaille. Or il advint que son voisin apprit tout de son aventure. Il voulut lui aussi palper ce fameux sou de rossignol. Il s’en fut donc chez cette femme et se fit par elle embaucher. Même travail, même voyage et même recommandation. Mais dès la patronne partie, « à quoi bon, se dit-il, attendre qu’elle revienne ? » Il ouvrit la troisième porte. Il aperçut un rossignol sur une branche de prunier. Il perçut à peine son chant. L’oiseau s’envola, la cabane aussi, et la maison, et le jardin. L’homme se retrouva assis dans un buisson, sous le ciel pâle, loin de chez lui. Ce fut ainsi.

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